Poésie dans le métro


Dans le métro parisien, depuis plusieurs années, on tombe régulièrement sur des bribes de poésie : affichées dans les trains à la place des publicités pour cours particulier ou pour magazines people ; gravées sur de petits médaillons incrustés dans le sol de la station Bibliothèque François Mitterrand (station d’intellos – peut-être y en a-t-il ailleurs) ; et lors du Printemps des poètes, s’étalant en grand sur les affiches XXL qui tapissent les murs voûtés de toutes les stations.

Les premières fois que j’ai vu cela, je me suis étonnée, réjouie, félicitée. Ça n’a pas duré. Rapidement, je suis retombée dans l’indifférence. Plus rapidement encore, dans la suspicion. A présent, je suis franchement hostile.

C’était pourtant sans doute une bonne idée au départ, en tout cas une idée intéressante, et qui partait d’une bonne intention. Mais inscrire des bouts épars de poésie, hors de tout contexte, sur des supports exclusivement réservés d’ordinaire à la publicité (hormis les médaillons de la BNF, qui ont le mérite de l’originalité), c’est transformer la poésie en publicité. L’horreur absolue.

Car soyons lucides : dans la bataille, ce n’est pas la poésie qui gagne. Ce n’est pas elle dont l’influence bénéfique et créative change notre regard sur la langue – et sur la publicité. C’est la publicité qui, dans sa toute-puissance, phagocyte illico les pauvres vers égarés au milieu de ses slogans. Et cela d’autant plus facilement que la publicité elle-même est créative et utilise de nombreux codes poétiques : rimes, allitérations, assonances, doubles sens…

Dès lors, entre un vers isolé (et creux, car décontextualisé et lu à la va-vite, entre deux trains), et dix slogans bien ficelés (et creux, car c’est le propre du slogan d’être creux et de vendre du vent), difficile de percevoir une vraie différence.

La poésie, comme tout art, demande du temps, de la lenteur, de la contemplation, une disponibilité d’esprit – toutes choses qui font cruellement défaut aux passagers des métros. Elle est difficile. Elle est – mais oui – précieuse. Dans un monde de brutes, ou dans un monde de slogans publicitaires, elle n’a aucune chance.


 Photo Walker Evans (New York Subway)



2 commentaires:

  1. Ah ben ça c'est mi faux, je dirais même ben vrai! Ou bien alors il faudrait écrire ces bribes plus gros plus noir plus tout que les slogans de pub.

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  2. Malheureusement, ça ne changerait rien de le lire en plus gros caractères, je crois . Pas possible de rivaliser avec les affiches de pub !
    Hors contexte, il est difficile d'apprécier la poésie à sa juste valeur , aucune caisse de résonance mais surtout c'est la hâte qui nuit à la lecture. Toutefois, j'avoue que, plus d'une fois au cours de mes trajets, j'ai reçu le court extrait de poème comme un vent frais et je suis partie à la dérive oubliant la chaleur et la foule.

    Marie-Brigitte Ruel

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