Le recueil "Le paysage est sans légende", de James Sacré


Ce n’est pas une entreprise facile que d’écrire des poèmes sur ou à partir d’images. Le risque est de ne pas pouvoir s’éloigner de l’image (et pourquoi s’en éloigner quand on y est bien ?), de décrire pour décrire – décrire ce qui est représenté, ou comment c’est représenté, sans trouver à aller plus loin que ça. A ce jeu-là, le texte peut difficilement gagner face à la force de fascination de l’image.

James Sacré, dans Le paysage est sans légende, réussit à s’en tirer. Il s’en tire même très bien. Il s’en tire en ne se laissant pas impressionner ; en mettant mots et dessin dans le même panier. Texte et image, même tentative, même échec (« Ou si tout le contraire ? »).

Ce n’est pas parce qu’on se trouve bien dans un dessin – et comme on est bien en effet dans les superbes dessins de Guy Calamusa, qui accompagnent les poèmes de James Sacré – qu’on doit en être dupe pour autant, pas plus qu’on ne se laisse duper par les mots :

On nomme des endroits de ce monde
L’oued Bouskoura, la rivière Vendée
Un nom de village ou celui de plusieurs choses
Une échelle un puits des noms des mots
Comme pour mieux se tenir au monde
Avec un dessin c’est pas mieux, tout s’éboule
Et pas grand-chose
Qui reste dans les mains. Quand même
On est bien.

C'est vrai, on est bien ! On n’y arrive pas vraiment, à mieux se tenir au monde, mais quand on voit sur l’image « Quelque chose / Comme des cailloux de granit noir », sans trop savoir ce que c’est, on prend : « (Tu ramasses) ». Et on fait pareil quand on voit dans le poème des mots comme « Cougou » ou « Agloo ». Souvent, ça ne mène « nulle part ». Pas grave. On aura fait, on aura regardé, on aura lu, somme toute on aura vécu, comme le « petit personnage » du dernier poème :


Quelques traits d’encre qui sont
Gestes d’avoir vécu en ce qui n’est plus là
Et solitude d’un graffiti, comme un essai raté
D’affirmer de la vie.

Le paysage est sans légende, dessins de Guy Calamusa,
Al Manar - Editions Alain Gorius, 2012

Dessin de Guy Calamusa

2 commentaires:

  1. "...comme un essai raté d'affirmer de la vie", ce sont les derniers mots cités et ils en disent long...
    Curieuse alchimie en effet que d'écrire dans le sillage d'un dessin-paysage, se regardant prendre forme, paraphes sur le néant, en écho. Exercice subtil que vous pratiquez souvent aussi pour notre plus grand plaisir !
    M.B. Ruel

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    1. Merci ! C'est vrai que ces derniers mots du recueil sont saisissants... et réconfortants en quelque sorte : l'essai ne sera-t-il pas toujours raté de toute façon ?

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