Une critique de "Rester debout au milieu du trottoir", de Murièle Modély


Murièle Modély, dont nous avons suivi ici les débuts avec Penser maillée puis A la lettre, poursuit son chemin poétique avec la parution, tout récemment, de Rester debout au milieu du trottoir, recueil illustré par des photographies de Bruno Legeai.
On y retrouve son style tendu, son souffle court. On y retrouve ses images crues et cruelles. Et ses vies difficiles : ici, celle d’une « fille mauvaise », d’une femme perdue, prostituée, « pilonnée ». Cuisine, chambre, café miteux, « jungle » ou bien gare d’où l’on ne part pas : les lieux changent mais pas le dégoût. Le passé qui ressemble à un cauchemar paraît tout contaminer. « Se souvenir ne mène à rien », on fait du sur place.
En réalité, c’est faux : on avance. Le recueil est composé de deux parties : une suite de textes assez courts aux titres étranges, où se meuvent « elle » et « il » ; puis, à la fin, un long texte en italique et sans titre. C’est sans doute cette dernière partie qui donne tout son sens à l’ensemble. De la « fille mauvaise » on passe à « ma mère » – mère mauvaise – et des résonances troublantes se font alors entendre. Mais rien ne sera élucidé. Le mystère est plus épais à la fin qu’au commencement, et les derniers mots ne font que le renforcer.


Le nom des choses


la putain
Tout le monde l’appelle comme ça

L’homme à la moustache
accoudé au comptoir
Le serveur le patron
La femme qui lui ressemble
comme deux gouttes d’eau
dans le miroir
La petite fille qui joue
dans l’arrière-cour
Le chat qui miaule
près des poubelles
La mouche immobile
sur un bras son père
sa mère tout le monde
dit ça

Pas lui
Il dépèce le mot
pour trouver l’os qui craque
entre les incisives



Murièle Modély, Rester debout au milieu du trottoir, éditions Contre-Ciel, 2014

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